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Rappel par la CJUE du principe fondateur de la neutralité du net

Affaires - Immatériel
16/09/2020
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) considère dans un arrêt rendu le 15 septembre que le principe de la neutralité du net s'oppose à ce qu'un fournisseur d'accès à Internet (FAI) privilégie certains services et applications au moyen d'offres groupées d'accès préférentiel.
Les demandes de décision préjudicielle portaient sur l’interprétation de l’article 3 du règlement (UE) 2015/2120 du 25 novembre 2015, établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union.

Elles ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant Telenor Magyarország (Telenor) au Nemzeti Média- és Hírközlési Hatóság Elnöke (président de l’autorité nationale hongroise des communications et des médias) à propos de deux de ses décisions par lesquelles il lui a enjoint de mettre fin à certains de ses services d’accès à internet au motif que ces offres étaient contraires au texte européen consacrant le principe d'égalité de traitement et d'accès aux contenus en ligne

Telenor les a contestées devant la Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale) qui a décidé de surseoir à statuer. Elle  demandait si l’article 3 du règlement 2015/2120 doit être interprété en ce sens que des offres groupées mises en œuvre par un fournisseur de services d’accès à Internet au moyen d’accords conclus avec des utilisateurs finals, aux termes desquelles ces derniers peuvent acheter un forfait leur donnant le droit d’utiliser sans restrictions un volume de données déterminé, sans que soit décomptée l’utilisation de certaines applications et de certains services spécifiques relevant d’un « tarif nul ».
Elle demandait également si une fois épuisé ce volume de données, elles peuvent continuer à utiliser sans restrictions ces applications et ces services spécifiques, pendant que des mesures de blocage ou de ralentissement de trafic sont appliquées aux autres applications et services disponibles, sont incompatibles avec le paragraphe 2 de cet article, lu conjointement avec le paragraphe 1 de celui-ci, et, à titre alternatif ou cumulatif, avec son  paragraphe 3.

La Cour y répond  en deux temps .Elle estime tout d’abord que la conclusion d'accords par lesquels des clients souscrivent à des offres groupées combinant un « tarif nul » et des mesures de blocage du trafic pour certains services est « susceptible de limiter l'exercice des droits des utilisateurs finaux ». En effet, ces offres amplifient l'utilisation des services privilégiés tandis qu'elles sont de nature à raréfier l'utilisation d'autres applications.
Elle ajoute que plus le nombre de clients est important, plus ces offres sont susceptibles d'engendrer "une limitation importante de l'exercice des droits des utilisateurs finaux, voire de porter atteinte à l'essence même de ces droits".

La CJUE considère ensuite qu'aucune évaluation de l'incidence des mesures de blocage ou de ralentissement du trafic sur l'exercice des droits des consommateurs n'est requise pour constater une incompatibilité entre une offre d'accès à Internet et la neutralité du net. Ainsi, même si le blocage n'est qu'un argument commercial qui n'a aucun fondement technique, l'offre est tout de même illégale.

Et de préciser en conséquence en réponse aux questions préjudicielles posées : « L’article 3 du règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) no 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union, doit être interprété en ce sens que des offres groupées mises en œuvre par un fournisseur de services d’accès à Internet au moyen d’accords conclus avec des utilisateurs finals, aux termes desquelles ces derniers peuvent acheter un forfait leur donnant le droit d’utiliser sans restrictions un volume de données déterminé, sans que soit décomptée l’utilisation de certaines applications et de certains services spécifiques relevant d’un « tarif nul », et, une fois épuisé ce volume de données, peuvent continuer à utiliser sans restrictions ces applications et ces services spécifiques, pendant que des mesures de blocage ou de ralentissement de trafic sont appliquées aux autres applications et services disponibles : sont incompatibles avec le paragraphe 2 de cet article, lu conjointement avec le paragraphe 1 de celui-ci, dès lors que ces offres groupées, ces accords et ces mesures de blocage ou de ralentissement limitent l’exercice des droits des utilisateurs finals, et sont incompatibles avec le paragraphe 3 dudit article dès lors que lesdites mesures de blocage ou de ralentissement sont fondées sur des considérations commerciales ».

Remarques
On retiendra que ce qui importe pour la Cour c'est donc l'égalité de traitement entre tous les services. Il importe peu que l'utilisateur final soit lésé. De fait, celle-ci assure la liberté d'expression sur internet dès lors que les FAI n'ont pas le droit de moduler leurs tarifs en fonction des sites.
Source : Actualités du droit