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La semaine du droit de la famille

Civil - Personnes et famille/patrimoine
07/10/2019
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit de la famille, la semaine du 30 septembre 2019.
Concubine – droit de visite et d’hébergement – ministère public – avis – communication du dossier
« X est née le 23 novembre 2011 de Mme Y, sans filiation paternelle déclarée ; à l'époque de la naissance de l'enfant, sa mère entretenait une relation avec Mme Z depuis le mois de février 2009 ; les deux femmes ayant cessé leur vie commune à compter du 23 mars 2012, Mme Y a saisi le juge aux affaires familiales afin de se voir attribuer un droit de visite et d'hébergement sur l'enfant (…) » ;
 
« Vu les articles 425, alinéa 3, et 1180 du Code de procédure civile ; il résulte de la combinaison de ces textes que le ministère public doit avoir communication des demandes formées en application de l'article 371-4 du Code civil, pour lesquelles son avis est requis (…) » ; il ne résulte ni des mentions de l'arrêt ni du dossier de procédure que le dossier ait été communiqué au ministère public ».
Cass. 1re civ., 3 oct. 2019, n° 18-20.713, P+B*

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 7 novembre 2019.
 
 GPA – filiation – transcription – acte de naissance – mère d’intention 
« Aux termes de leurs actes de naissance américains, dressés dans le comté de San Diego (Californie) conformément à un jugement de la Cour supérieure de l’Etat de Californie du 14 juillet 2000, X et Y sont nées le 25 octobre 2000 à La Mesa (Californie) de M. Z et Mme A(Z), son épouse, tous deux de nationalité française. Le 25 novembre 2002, le ministère public a fait transcrire ces actes de naissance par le consulat général de France à Los Angeles (Californie). Par acte du 16 mai 2003, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Créteil a assigné M. et Mme Z en annulation de cette transcription. Par un jugement du 13 décembre 2005, confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 25 octobre 2007, le procureur de la République a été déclaré irrecevable en son action. Cet arrêt a été cassé par un arrêt de la Cour de cassation du 17 décembre 2008 (Cass. 1re civ., 17 déc. 2008, n° 07-20.468). Par un arrêt du 18 mars 2010, la cour d’appel de Paris, statuant sur renvoi après cassation, a annulé la transcription, sur les registres du service central d’état civil de Nantes, des actes de naissance établis dans le comté de San Diego (Californie) et désignant M. Z et Mme A(Z) en qualité de père et mère des enfants X et Y. Par un arrêt du 6 avril 2011 (Cass. 1re civ., 6 avr. 2011, n° 10-19.053), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. et Mme Z à l’encontre de cet arrêt. Ces derniers ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme, qui, par un arrêt du 26 juin 2014, a dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention s’agissant du droit de X et Y au respect de leur vie privée et que l’Etat français devait verser une somme aux deux requérantes au titre du préjudice moral subi et des frais et dépens. Sur le fondement des articles L. 452-1 et suivants du Code de l’organisation judiciaire institués par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, M. et Mme Z, agissant en qualité de représentants légaux de leurs deux filles mineures, ont demandé le réexamen de ce pourvoi. Par une décision du 16 février 2018, la Cour de réexamen des décisions civiles a fait droit à la demande et dit que l’affaire se poursuivra devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation. Par un arrêt avant dire droit du 5 octobre 2018, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a transmis à la Cour européenne des droits de l’homme une demande d’avis consultatif (…) » ;
 
« La Cour européenne des droits de l’homme a rendu son avis consultatif le 10 avril 2019. Par un mémoire du 15 avril 2019, Mmes X et Y ont fait valoir qu’elles entendaient, en application des articles 369 et 373 du Code de procédure civile, reprendre l’instance qui avait été initiée par leurs représentants légaux, avec toutes leurs écritures (…) » ;
 
« Il résulte de ce qui a été dit aux paragraphes 4, 5 et 6 que l’acte de naissance doit être transcrit en ce qui concerne la filiation paternelle biologique. En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que l’arrêt rendu le 14 juillet 2000 par la Cour supérieure de l’Etat de Californie a déclaré M. Z, père génétique des deux enfants, qui sont issues des gamètes de ce dernier et d’une tierce personne. Il convient, en conséquence, de rejeter la demande formée par le procureur général près la cour d’appel de Paris en annulation de la transcription des actes de naissance de X et Y en ce qu’elles sont nées de M. Z (…) » ;
 
« Il résulte de l’avis consultatif de la Cour européenne des droits de l’homme que, s’agissant de la mère d’intention, les Etats parties ne sont pas tenus d’opter pour la transcription des actes de naissance légalement établis à l’étranger (§ 50). En effet, il n’y a pas de consensus européen sur cette question. Lorsque l’établissement ou la reconnaissance du lien entre l’enfant et le parent d’intention est possible, leurs modalités varient d’un Etat à l’autre. Il en résulte que, selon la Cour, le choix des moyens à mettre en oeuvre pour permettre la reconnaissance du lien enfant-parents d’intention tombe dans la marge d’appréciation des Etats (§ 51) (…) » ;
 
« En considération de l’existence de ces modes d’établissement de la filiation, la 1re chambre civile de la Cour de cassation, par quatre arrêts du 5 juillet 2017 (Cass. 1re Civ., 5 juil. 2017, n° 15-28.597, Bull. 2017, I, n° 163, n°16-16.901 et n° 16-50.025, Bull. 2017, I, n° 164, n° 16-16.455, Bull. 2017, I, n°165) a jugé que l'adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant, de créer un lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention, épouse du père biologique. Selon l’avis consultatif, l’adoption répond notamment aux exigences de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors que ses modalités permettent une décision rapide, de manière à éviter que l’enfant soit maintenu longtemps dans l’incertitude juridique quant à ce lien, le juge devant tenir compte de la situation fragilisée des enfants tant que la procédure est pendante (…) » ;
 
« En l’espèce, le prononcé d’une adoption suppose l’introduction d’une nouvelle instance à l’initiative de Mme A(Z). En effet, en application des dispositions du titre VIII du Code civil, l’adoption ne peut être demandée que par l’adoptant, l’adopté devant seulement y consentir personnellement s’il a plus de treize ans. Le renvoi des consorts Z à recourir à la procédure d’adoption, alors que l’acte de naissance des deux filles a été établi en Californie, dans un cadre légal, conformément au droit de cet Etat, après l’intervention d’un juge, la Cour supérieure de l’Etat de Californie, qui a déclaré M. Z, père génétique et Mme A(Z), “mère légale” des enfants, aurait, au regard du temps écoulé depuis la concrétisation du lien entre les enfants et la mère d’intention, des conséquences manifestement excessives en ce qui concerne le droit au respect de la vie privée de Mmes X et Y (…) » ;
 
« Selon les requérantes, la concrétisation du lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention évoquée par la Cour européenne dans son avis consultatif pourrait trouver une traduction en droit interne français avec la possession d’état qui, en application de l’article 311-1 du Code civil, s’établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir. Cependant, l’avis consultatif insiste sur la nécessité de ne pas fragiliser la situation de l’enfant dès lors que la gestation pour autrui a été réalisée dans les conditions légales du pays étranger et que le lien avec la mère d’intention s’est concrétisé. A cet égard, la reconnaissance du lien de filiation par la constatation de la possession d’état dans l’acte de notoriété établi le 11 mai 2018 par le juge d’instance de Charenton-le-Pont, à supposer que les conditions légales en soient réunies, ne présente pas les garanties de sécurité juridique suffisantes dès lors qu’un tel lien de filiation peut être contesté en application de l’article 335 du Code civil. Par conséquent, la demande formée par Mmes X et Y tendant à faire constater le fait juridique reconnu dans l’acte de notoriété établi le 11 mai 2018 par le juge d’instance de Charenton-le-Pont sera rejetée (…) » ;
 
« Il résulte de ce qui précède, qu’en l’espèce, s’agissant d’un contentieux qui perdure depuis plus de quinze ans, en l’absence d’autre voie permettant de reconnaître la filiation dans des conditions qui ne porteraient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de Mmes X et Y consacré par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et alors qu’il y a lieu de mettre fin à cette atteinte, la transcription sur les registres de l’état civil de Nantes des actes de naissance établis à l’étranger de X et Y ne saurait être annulée ».
Cass. plén, 4 oct. 2019, n° 10-19.053, P+B+R+I*

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 7 novembre 2019.
 
 
Source : Actualités du droit