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Diffusion ou retransmission temporaire d’une chaîne de télévision sur des bouquets payants

Affaires - Immatériel
08/07/2019
La Cour de justice de l’Union européenne considère dans un arrêt du 4 juillet 2019 qu’un État membre peut, pour des motifs d’ordre public comme la lutte contre l’incitation à la haine, imposer l’obligation de ne diffuser ou de ne retransmettre temporairement une chaîne de télévision en provenance d’un autre État membre que dans des bouquets payants.
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »)
Elle a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Baltic Media Alliance Ltd ( « BMA ») à la Lietuvos radijo ir televizijos komisija (commission lituanienne de la radio et de la télévision, Lituanie) ( « CLRT ») au sujet d’une décision de cette autorité du 18 mai 2016 imposant aux fournisseurs de services de médias exerçant leur activité sur le territoire lituanien et aux autres personnes fournissant aux consommateurs lituaniens un service de diffusion par Internet de chaînes ou d’émissions de télévision de ne diffuser ou de ne retransmettre la chaîne NTV Mir Lithuania sur le territoire lituanien, pendant les douze mois suivant l’entrée en vigueur de cette décision, que dans des bouquets payants.

Il résulte de la décision de renvoi qu’un désaccord existe entre, d’une part, BMA et, d’autre part, la CLRT et le gouvernement lituanien, quant à la portée de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 2010/13. 
Alors que BMA soutient que cette disposition vise toute restriction par l’État membre de réception à la liberté de réception et de retransmission des émissions télévisées, restriction qui doit être comprise au sens de la notion de restriction figurant à l’article 56 TFUE, la CLRT et le gouvernement lituanien estiment que cette disposition ne couvre que le cas de la suspension complète de la réception et de la retransmission des émissions télévisées.

La CJUE relève que « la CLRT et le gouvernement lituanien ont précisé dans leurs observations écrites que la décision du 18 mai 2016, qui impose aux fournisseurs de services de médias dont les émissions sont destinées au territoire lituanien et aux autres personnes fournissant aux consommateurs lituaniens un service de diffusion par Internet de chaînes ou d’émissions de télévision de ne diffuser ou de ne retransmettre sur ce territoire, pendant une période de douze mois, la chaîne NTV Mir Lithuania que dans des bouquets payants, régit uniquement les modalités de distribution de cette chaîne aux consommateurs lituaniens ».
 
Dans le même temps, elle relève que dans l’espèce « la décision du 18 mai 2016 ne suspend pas ou n’interdit pas la retransmission de cette même chaîne sur le territoire lituanien car celle-ci peut, malgré ladite décision, toujours être légalement diffusée sur ce territoire et les consommateurs lituaniens peuvent toujours la visionner, pour autant qu’ils souscrivent à un bouquet payant ».
Dans ces conditions « la mesure en cause n’empêche pas la retransmission proprement dite sur le territoire de l’État membre de réception des émissions télévisées de la chaîne de télévision visée par cette mesure en provenance d’un autre État membre. Elle ne relève donc pas de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 2010/13 ».

Aussi, pour la Cour, l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010 doit être interprété en ce sens qu’ « une mesure d’ordre public, adoptée par un État membre, consistant en l’obligation pour les fournisseurs de services de médias dont les émissions sont destinées au territoire de cet État membre et pour les autres personnes fournissant aux consommateurs dudit État membre un service de diffusion par Internet de chaînes ou d’émissions de télévision de ne diffuser ou de ne retransmettre sur le territoire de ce même État membre, pendant une durée de douze mois, une chaîne de télévision en provenance d’un autre État membre que dans des bouquets payants, sans toutefois empêcher la retransmission proprement dite sur le territoire de ce premier État membre des émissions télévisées de cette chaîne, ne relève pas de cette disposition ».
Source : Actualités du droit