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Différends entre avocat et mandataire liquidateur : incompétence du bâtonnier

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
09/04/2019
Le 6 mars 2019, la cour d'appel de Paris a jugé que le bâtonnier n'est pas compétent pour trancher les différends entre un avocat et un mandataire liquidateur.

La procédure spéciale de taxation d’honoraires ne permet pas au bâtonnier d'examiner les contestations sur le bénéficiaire des honoraires.

La procédure donnant compétence exclusive au bâtonnier pour trancher les différends entre avocats n'est pas applicable aux litiges entre un avocat et un tiers à la profession d'avocat ; en l’espèce un mandataire liquidateur.

Tels sont les deux enseignements de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 6 mars 2019.

Un litige était né entre une société civile professionnelle (SCP) d’avocat et un de ses anciens associés et sa nouvelle structure. La SCP d’avocat avait saisi le bâtonnier dans le cadre d’une procédure de taxation d’honoraires dans deux dossiers, traités par son ancien associé, à l’encontre d’un mandataire liquidateur qui les avait renvoyés à mieux se pourvoir s’il y avait lieu devant la commission de règlement des difficultés d’exercice en groupe. La SCP s’était désistée des recours qu’elle avait formés contre cette décision. Elle avait, par la suite, formé une action en responsabilité contre le même mandataire liquidateur pour avoir réglé les honoraires qui lui étaient dus à la nouvelle structure de son ancien associé en charge des dossiers précités. Le mandataire avait lui formé une action en répétition de l’indu contre l’associé et sa nouvelle structure d’exercice. Le juge de la mise en état avait rejeté la demande tendant à voir constater l’incompétence du tribunal de grande instance de Paris. Le mandataire liquidateur avait fait appel.

La cour d'appel de Paris rappelle que la loi du 31 décembre 1971 et le décret du 27 novembre 1991 créent et organisent deux procédures distinctes devant le bâtonnier.

Sur la procédure spéciale de taxation d’honoraires

La première procédure prévue par les articles 174 et suivants du décret donne compétence au bâtonnier pour les seules contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires d'avocats.

La cour constate que, ainsi que l'a rappelé le bâtonnier dans ses deux décisions, cette première procédure spéciale ne lui permet pas d'examiner les contestations sur le bénéficiaire des honoraires.

L'autorité attachée aux décisions du bâtonnier rendues en application des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 est ainsi strictement limitée à l'évaluation des honoraires et la mention invitant les parties à saisir la commission de règlement des difficultés d'exercice en groupe qui ne pouvait s'adresser qu'à la SCP d’avocat et qui ne constituait pas une désignation de la juridiction compétente, ne peut être assortie de l'autorité de la chose jugée propre aux décisions juridictionnelles.

Sur le règlement des différends entre avocats

La seconde procédure prévue par l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 et les articles 179-1 et suivants du décret de 1991 donnant compétence exclusive au bâtonnier pour trancher les différends entre avocats n'est pas applicable aux litiges entre un avocat et un tiers à la profession d'avocat. Le bâtonnier, dans ce cadre, ne peut se prononcer sur les rapports contractuels ayant existé entre la SCP d’avocat et le mandataire liquidateur non plus que sur la responsabilité civile professionnelle de celui-ci.

Le bâtonnier, dans le cadre de ces dispositions, ne peut que trancher les difficultés entre la SCP d’avocat et l’associé et sa nouvelle structure d'exercice sur la répartition entre eux des honoraires payés par le client au moment où les parties venaient de se séparer, répartition qui dépendra outre de circonstances de fait, des règles légales régissant les SCP ainsi que des dispositions statutaires et autres, convenues entre les parties et auxquelles le client est lui-même étranger.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les deux procédures de contestation des honoraires et de résolution des différends entre avocats ne sont pas susceptibles de s'appliquer au litige entre la SCP d’avocat et le mandataire liquidateur, qui relève de la juridiction de droit commun. La cour d’appel confirme donc l'ordonnance du juge de la mise en état sur ce point.

Par Marie Le Guerroué

Source : Actualités du droit