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Annulation des dispositions relatives au cadre territorial d’exercice des fonctions de défenseur syndical

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
23/11/2017
Le Conseil d’État retient l’erreur manifeste d'appréciation dans la limitation du champ de compétence géographique des défenseurs syndicaux au ressort des cours d'appel de la région sur la liste de laquelle ils sont inscrits.
Rappelons au préalable que la loi dite « Macron » du 6 août 2015 (L. n° 2015-990, 6 août 2015, JO 7 août) a instauré, depuis le 1er août 2016, la possibilité pour les parties au procès d’être assistées ou représentées par un défenseur syndical dans le cadre du contentieux prud’homal, en première instance et en appel (C. trav., art. L. 1453-4). Comme le prévoit l’alinéa 2 de l’article L. 1453-4 du Code du travail, le défenseur syndical « est inscrit sur une liste arrêtée par l'autorité administrative sur proposition des organisations d'employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, national et multiprofessionnel ou dans au moins une branche, dans des conditions définies par décret ». L'Union départementale des syndicats Force ouvrière d'Indre-et-Loire, la Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l'audiovisuel et de l'action culturelle CGT et le Conseil national des barreaux ont formé un recours pour excès de pouvoir pour obtenir notamment l’annulation du décret pris pour l'application de ces dispositions (D. n° 2016-975, 18 juill. 2016, JO 20 juill.).

Spécifiquement, aux termes de l'article D. 1453-2-4 du Code du travail, les défenseurs syndicaux exercent leur fonction dans le seul ressort des cours d’appel de la région sur la liste de laquelle ils sont inscrits, en dérogeant à cette règle uniquement au profit de l'assistance ou de la représentation devant une autre cour d'appel lorsque le défenseur syndical a représenté la même partie en première instance. Or, comme le relève le Conseil d’État, il résulte des dispositions des articles L. 1453-4 et suivants du Code du travail, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 6 août 2015 (précitée), que « le législateur a entendu créer un statut des défenseurs syndicaux, délégués des organisations syndicales, notamment pour protéger les conditions de leur intervention devant les juridictions prud'homales, renforcer leurs droits et accroître les garanties de compétence attachées à l'exercice de ces fonctions. En outre, en ouvrant aux organisations représentatives, au niveau national, dans au moins une branche, la possibilité de proposer l'inscription de défenseurs syndicaux sur la liste permettant l'exercice de ces fonctions, le législateur a entendu permettre aux parties de choisir un défenseur syndical en raison de sa connaissance particulière des conventions et accords applicables dans la branche considérée ».

Outre l'impossibilité pour les organisations représentatives de salariés de proposer, dans chaque région, des défenseurs syndicaux ayant des compétences suffisamment variées pour assister et représenter les salariés y compris dans des branches présentant de fortes spécificités, comme le faisaient valoir les requérants, si plusieurs considérations pratiques plaident en faveur d’une gestion régionale des listes (tenue des listes, gestion du remboursement aux employeurs de la rémunération des absences des défenseurs syndicaux, prise de décisions liées à la qualité de salarié protégé), elles n’ont pas vocation à justifier la limitation de la compétence territoriale des défenseurs syndicaux.

Au regard de l'objectif poursuivi par le législateur, il convient de prendre en considération le fait que les parties ont toujours pu, antérieurement, obtenir la désignation d'un délégué sans considération de son domicile ou de son lieu d'exercice professionnel et que les parties peuvent être assistées et représentées par l'avocat de leur choix quelle que soit sa résidence professionnelle, puisque les règles de la postulation (art. 5 et 5-1, L. n° 71-1130, 31 déc. 1971, JO 5 janv.) ne s'appliquent pas devant les conseils de prud'hommes et les cours d'appel statuant en matière prud'homale (Cass. avis, 5 mai 2017, n° 17-70.004 et n° 17-70.005 ; voir « Contentieux du travail : pas de postulation en appel », Actualité du 09/05/2017). Il s’en déduit que « le pouvoir réglementaire a commis une erreur manifeste d'appréciation en limitant le champ de compétence géographique des défenseurs syndicaux au ressort des cours d'appel de la région sur la liste de laquelle ils sont inscrits et en ne prévoyant de dérogation à ce principe que dans le cas où le défenseur syndical a représenté la même partie en première instance ».

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes dirigés contre les mêmes dispositions du décret attaqué, les requérants sont reconnus fondés à demander l'annulation des mots critiqués, insérés par le décret attaqué au sein de l'article D. 1453-2-4 du Code du travail et qui sont divisibles des autres dispositions de ce décret. Les mots « dans le ressort des cours d'appel de la région » sont donc annulés.
Source : Actualités du droit