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Personnes âgées : le notaire plus que jamais garant d’un consentement éclairé

Civil - Personnes et famille/patrimoine
21/06/2017
A l'occasion de la présentation des résultats d’une enquête nationale réalisée auprès des notaires, le Conseil supérieur du notariat (CSN) et la Fondation Médéric Alzheimer se sont penchés, ce 21 juin, sur les questionnements éthiques et juridiques de ces professionnels concernant les capacités de discernement de leurs clients âgés au moment de l’établissement d’un acte.
Cette étude intervient dans la continuité de deux autres enquêtes qui ont été menées par la Fondation Médéric Alzheimer : la première en 2014 auprès des mandataires judiciaires et la deuxième en 2016 auprès des juges des tutelles. Il s’agissait de mieux comprendre le rôle et les missions des notaires auprès des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs.

Un problème en voie de développement

En 2015, 850 000 Français étaient atteints par la maladie d’Alzheimer (40 % hommes, 60 % femmes). 225 000 nouveaux cas sont détectés chaque année. En 2020, un Français sur quatre au-delà de 85 ans devrait être touché. En 2040, 2 millions de personnes seront malades. En outre, en 2050, plus du tiers de la population française aura plus de 60 ans.

Aucun traitement médical ne se profile à court terme. Aussi, il faut apprendre à « vivre avec » et développer le « care », a indiqué Bruno Anglès d’Auriac, président de la Fondation Médéric Alzheimer, afin d’améliorer la qualité de vie des malades et les protéger dans leurs démarches.

Ces constats posés, il est évident que les notaires seront de plus en plus confrontés à des situations où il sera important de s’assurer du consentement éclairé du client au moment d’établir un acte – acheter ou vendre un bien, effectuer un testament ou une donation, désigner un mandataire de protection future, etc. En tant qu’officier public, il se doit le protéger, sous peine d’engager sa responsabilité professionnelle.

Or, quand le client est une personne âgée, et a fortiori lorsque des troubles cognitifs sont avérés ou suspectés, apprécier la capacité peut être un exercice complexe. Sans compter qu’il doit vérifier que la disposition exprime bien la volonté de son client, et non celle d’un tiers qui le tiendrait sous son emprise.

Pourtant le notaire n’est pas médecin, même si depuis toujours, il est considéré comme « le médecin de l’âme », a rappelé Maître Marie-Pierre Perré, membre du bureau du CSN.

L’étude en chiffres

L’étude a été menée conjointement par Maître Jean-Michel Mathieu, président de l’Institut notarial du patrimoine et de la famille (INPF), Marie-Antoinette Castel-Tallet, responsable de l’Observatoire des dispositifs de prise en charge et d'accompagnment de la maladie d'Alzheimer et Fabrice Gzil, responsable du Pôle Études et Recherche de la Fondation Médéric Alzheimer.

714 notaires sur les 10 073 notaires recensés au 1er septembre 2016 ont répondu à un questionnaire en ligne, soit environ 7 % de la profession.

Les principaux résultats sont les suivants :
– les personnes âgées de 75 ans ou plus représentent 24 % de la clientèle des notaires ;
– 30% des notaires déclarent être amenés, au moins une fois par mois, à s’interroger sur les capacités de discernement de leurs clients âgés ;
– 65% des notaires déclarent être amenés, au moins une fois par an, à se demander si un client âgé ne serait pas sous l’emprise d’un tiers ;
– 79 % des notaires ont refusé de recevoir un acte parce qu’ils doutaient de la capacité de leurs clients âgés ; 
– 80 % des notaires seraient intéressés par des formations sur l’appréciation des capacités de discernement et sur la détection des situations d’emprise.

Les actions à mener

Pour Fabrice Gzil, il faut éviter une discrimination des personnes âgées, et plus particulièrement des personnes présentant des troubles cognitifs, car elles sont néanmoins capables de discernement. Il faut toutefois une « vigilance humaine, non discriminatoire », celle du notaire entre autres.

Ce dernier devra faire une analyse fine, un audit, en étant attentif des différents signaux d’alerte – comportementaux, verbaux, cognitifs, etc. – en évitant le « recours systématique au médical », a insisté Maître Mathieu ; sans oublier de vérifier que le client n’est pas sous l’emprise d’un tiers, en sollicitant une second rendez-vous ou en exigeant un entretien hors la présence dudit tiers. Le notariat a d’ailleurs été récemment audité sur la maltraitance économique par le gouvernement qui envisage de durcir les dispositions en vigueur.

Ce contrôle du notaire évitera de nombreux contentieux, selon Maître Mathieu. Il conseille toutefois aux notaires d’inviter leurs clients à transmettre leurs biens et exprimer leur volonté le plus tôt possible (testament), mais également à anticiper leur dépendance, ce que nombre d’entre eux rechignent à faire.

Il faut également encourager l’utilisation du mandat de protection future : cet « outil juridique certes imparfait » selon lui, est une bonne solution. À l’instar des notaires, les banques en font la promotion. L’idée fait son chemin et, à en croire Me Mathieu, les chefs d’entreprise l’utilisent de plus en plus.

Et pour l’avenir…

Les travaux menés dans le cadre de cette enquête devraient donner des repères aux notaires, en sus du guide pratique – « Le notaire face aux citoyens en situation de handicap cognitif » – édité par la Fondation Médéric Alzheimer.
L’atelier proposé sur ce sujet en septembre dernier, dans le cadre de l’Université du notariat, devrait être également renouvelé.

Enfin, des formations voient voir le jour, puisque 80 % des répondants se sont dits intéressés…
Source : Actualités du droit