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Éléments pris en compte pour caractériser l’état de cessation des paiements

Affaires - Commercial
12/04/2022
Des avances en compte courant d’associés peuvent constituer une réserve de crédit devant être prise en considération au titre de l’actif disponible si elles ne sont pas bloquées ou si leur remboursement n’a pas été demandé. Dans ce cas, une cour d’appel peut constater que le débiteur en procédure de sauvegarde n’est pas en état de cessation des paiements… et rejeter la conversion en procédure de redressement judiciaire.
Aux termes de l’article L. 631-1 du code de commerce, la procédure de redressement judiciaire est ouverte à tout débiteur qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Mais il n’y a pas cessation de paiements si le débiteur établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article L. 622-10 du même code, à tout moment de la période d'observation et si les conditions de l'article L. 631-1 précité sont réunies, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d'office, convertit la procédure en un redressement judiciaire. Il décide également de la conversion en redressement si l'adoption d'un plan de sauvegarde est manifestement impossible et si la clôture de la procédure conduirait, de manière certaine et à bref délai, à la cessation des paiements.

Requête en conversion à l’initiative du mandataire judiciaire

Dans la présente affaire, alors qu’une SCI X… avait été constituée par ses deux co-gérantes, MMmes A… et B…, afin de détenir des locaux destinés à être loués par la société Y… co-gérée par Mme A…, de graves dissensions étaient apparues entre les deux associées ; cela avait eu pour conséquence de mettre fin au bail de la société Y… et ainsi de priver la SCI de ressources. Une procédure de sauvegarde avait été ouverte à l’encontre de cette dernière le 16 janvier 2020, la période d’observation étant renouvelée pour six mois par jugement du 2 juillet 2020.
 
Par avis du 12 février 2021, le procureur de la République avait conclu à la conversion – sollicitée par le mandataire judiciaire – de la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire, au motif qu'aucune perspective de poursuite efficiente de l'activité n'apparaissait possible en l'état de la carence des organes de direction ; le juge commissaire avait émis un avis favorable à cette conversion en raison de l'absence de prise de décisions communes possible entre Mme A… et Mme B...
 
Toutefois, Mme A… avait, sans l’accord de l’autre co-gérante, donné l'immeuble à bail précaire pour une durée de un an à compter du 1er mars 2021, ce dont il résultait que le loyer couvrait les charges de l'immeuble au cours de la période d'observation (flux de trésorerie de 27 695 euros pour l'année).
 
Par jugement du 4 mars 2021, le tribunal judiciaire a constaté la cessation des paiements de la société X… – la date provisoire en étant fixée au 11 février 2021, date de la requête en conversion – et converti la procédure de sauvegarde en une procédure de redressement judiciaire, la période d’observation se trouvant prolongée pour une durée maximale de six mois.

La SCI X…, représentée par Mme A…, avait alors interjeté appel de ce jugement en intimant Mme B…, le mandataire judiciaire et le procureur de la République. Par la suite, le plan de redressement judiciaire de la société X…, auquel tous les associés avaient donné leur accord exprès, avait été homologué.
 
Situation financière au cours de la période d’observation
 
La SCI demande à la cour d’appel de constater qu’elle n’est pas en état de cessation des paiements et de débouter le mandataire judiciaire de sa demande de conversion en redressement judiciaire de la procédure de sauvegarde ; elle fait valoir, s'agissant du passif postérieur à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, qu'il est très faible du fait qu'il a été payé en grande partie grâce à des avances en compte courant de Mme A… et de sa holding, la SARL Z…, lesquelles constituent un actif disponible et non pas un passif exigible.
 
Dès lors que la cour n’a à se prononcer que sur le sort de la société à l'issue de la procédure d'observation de sauvegarde, le seul passif qui importe au regard des dispositions de l'article L. 622-10 du code de commerce est le passif nouveau, né postérieurement au jugement d'ouverture.
 
Ainsi que le constatent les juges du fond, il n'est ni prétendu ni justifié que les avances en compte courant d'associés faites par la SARL Z… seraient bloquées ; leur remboursement n'étant pas demandé, il s'ensuit qu'elles constituent de l'actif disponible. Le passif exigible s'élève à 4 992,30 euros (auquel peut s'ajouter la créance de la société holding de Mme B… d'un montant de 2 700 euros, si le paiement de celle-ci est exigé), alors que l'actif disponible est de 11 048,27 euros selon le décompte produit, de sorte qu'un état de cessation des paiements n'est pas caractérisé.
 
Par ailleurs, "depuis la désignation d'un administrateur judiciaire chargé d'une fonction de représentation, il ne peut être considéré que l'adoption d'un plan de sauvegarde serait manifestement impossible, d'autant moins qu'un plan a été adopté dans le cadre d'un redressement ni que, de manière certaine et à bref délai, la situation conduirait à la cessation des paiements […], compte tenu des loyers encaissés jusqu'à cette date et des possibilités de relocation", de sorte que les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 622-10 du code de commerce ne sont pas réunies.
 
Infirmant le jugement, la cour d’appel constate que la SCI X… n'est pas en état de cessation des paiements et rejette la demande de conversion de la procédure de sauvegarde en procédure de redressement judiciaire, une nouvelle période d'observation d'une durée de trois mois étant ouverte.
 
Pour aller plus loin
Pour des précisions sur la notion de cessation des paiements, se reporter aux nos 3138 et s. du Lamy droit commercial.
Source : Actualités du droit