Retour aux articles

Aggravation du passif en cours de procédure : conversion du redressement en liquidation judiciaire

Affaires - Commercial
28/02/2022
Ne peut contester la conversion de sa procédure de redressement en liquidation judiciaire, le débiteur qui n’a ni coopéré avec les organes de la procédure ni proposé un plan de redressement, dès lors qu’il est pleinement établi qu’il est toujours en état de cessation des paiements – ne disposant plus de solde créditeur disponible au jour de l’ouverture de la liquidation – et, surtout, que le redressement est manifestement impossible.
Aux termes de l’article L. 631-15-II du code de commerce, à "tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible".
 
Le présent arrêt donne une illustration pratique de ce cas de figure.
 
Demande de conversion par le mandataire judiciaire
 
Alors qu’une SCI X… avait été mise en redressement judiciaire le 14 novembre 2019, le mandataire désigné par le jugement d’ouverture avait sollicité, par requête du 25 février 2021, la conversion du redressement en liquidation judiciaire.
 
Ayant constaté que la débitrice se trouvait toujours en état de cessation des paiements, le tribunal judiciaire, par jugement du 27 mai 2021, avait prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de la société X… en liquidation judiciaire : fixant la date de cessation des paiements au 7 octobre 2019, le tribunal rappelait que le jugement emportait de plein droit, à compter de sa date, le dessaisissement de la société X… de l'administration et de la disposition de ses biens tant que la liquidation judiciaire ne serait pas clôturée, et l’exercice par le liquidateur, pendant toute la durée de cette procédure, des droits et actions de la débitrice concernant son patrimoine.
 
La société X… avait formé appel de cette décision en intimant le liquidateur désigné pour procéder aux opérations de liquidation et le procureur général. Pour la débitrice, le fait que la SCI soit toujours en état de cessation des paiements ne constituait pas un motif pour convertir le redressement judiciaire en liquidation judiciaire, ajoutant qu’une telle conversion ne peut intervenir que lorsqu'est établie l'impossibilité manifeste d'un redressement, ce qui n'était pas le cas en l'espèce puisque la SCI était en mesure de rembourser, de manière étalée dans le temps, le passif exigible d'un montant de l'ordre de 37 000 euros.
 
Pour sa part, le liquidateur invoquait notamment que, outre la passivité chronique du dirigeant de la société X…, la banque de la débitrice avait confirmé que celle-ci ne disposait plus de solde créditeur disponible au jour de l'ouverture de la liquidation.

La cour d’appel a confirmé le jugement.
 
Nette dégradation du passif

Les éléments rapportés par le mandataire judiciaire n’étant ni contestés ni expliqués par l’appelante, les juges du fond ont pu constater :

que pendant la période d'observation, ayant de fait duré dix-huit mois, la société X… n’a pas été en mesure d'établir une proposition concrète de redressement pouvant être soumise aux créanciers : son gérant n'a jamais collaboré avec les organes de la procédure, ne serait-ce que pour donner un minimum d'informations sur la situation financière de la société et sur les immeubles lui appartenant, ce qui a empêché la rédaction d'un procès-verbal d'inventaire, et n'a pas permis d'envisager les modalités d'un redressement ;
 
— que la situation financière de la société X… s'est nettement dégradée en cours de procédure : en plus du passif antérieur admis pour un montant de 37 553,37 euros, un passif postérieur est apparu pour un total de plus de 64 520 euros, outre une créance provisionnelle postérieure de 11 974,50 euros et plusieurs avis à tiers détendeur pour plus de 10 000 euros émis par le Trésor public ;
 
— que la société X… ne fournit aucun élément sur la réalisation de la vente d’un bien immobilier autorisée par le juge-commissaire, alors que l'acte de vente devait en principe être réitéré avant l'ordonnance de clôture, le produit de cette vente (68 000 euros) étant toutefois insuffisant à lui seul pour éteindre le passif total.
 
L’arrêt souligne, par ailleurs, que si la société X… propose tardivement de vendre une partie de ses actifs, cela ne suffit pas "à prouver la possibilité pour cette dernière de poursuivre une activité rentable, en l'absence de tout élément sur la situation actuelle des différents biens immobiliers dont on ignore s'ils sont loués et s'ils rapportent à ce jour des revenus, ainsi que sur les nouvelles dettes et notamment les avis à tiers détenteurs". De surcroît, si elle "fait valoir qu'elle est en mesure de rembourser de manière étalée dans le temps le passif exigible d'un montant de l'ordre de 37 000 euros, la société X… ne fait strictement aucune proposition précise en ce sens".
 
Au vu de tels éléments, qui établissent l'augmentation du passif depuis l'ouverture de la procédure, l'émission par le Trésor public d'avis à tiers détenteur ayant absorbé le solde créditeur des comptes de la débitrice qui ne disposait plus d'une trésorerie suffisante pour faire face au passif de la procédure, il est pleinement établi, non seulement que la société X… est toujours en état de cessation des paiements ainsi que l'a relevé le tribunal, mais surtout que le redressement est manifestement impossible.
 
Pour aller plus loin 
Pour des développements complémentaires sur le prononcé de la liquidation judiciaire au cours de la période d’observation, se reporter aux nos 4527 et s. de l’édition 2021 du Lamy droit commercial.


 
Source : Actualités du droit