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La protection des contrats d’investissements privés étrangers en Afrique

Afrique - Droits nationaux, Ohada
16/04/2018
L’investissement direct étranger est, depuis longtemps, considéré comme l’un des principaux vecteurs du développement durable des États en voie de développement. En Afrique subsaharienne, s’il présente beaucoup d’intérêt pour les pays, la déconnexion entre les instruments qui le régissent et les objectifs qui l’ont vu naître est flagrante dans les conflits qui opposent les États aux investisseurs étrangers. Ce qui soulève la question suivante : comment, au moyen des outils contractuels mis à la disposition des États contractants et des investisseurs étrangers, concilier au mieux les intérêts en présence en cas de conflit ? Les explications de Sylvie Bissaloué, docteur en droit privé, ATER à l’IUT Lyon III.
Entre 1972 et 2014, les pays africains ont été impliqués dans 111 affaires liées à des différends en matière d’investissement, soit environ un cinquième de l’ensemble des affaires d’arbitrage documentées et fondées sur des traités. S’inscrit en premier rang, l’Égypte impliquée dans 25 affaires. Elle se place ainsi au troisième rang mondial pour le règlement des litiges au sein du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Viennent ensuite la République démocratique du Congo (RDC) avec 8 affaires, l’Algérie avec 6 affaires et la Guinée avec 5 affaires (v. Politiques d’investissement et accords bilatéraux d’investissement en Afrique : Implications pour l’intégration régionale, Rapp. de la Commission économique pour l’Afrique, 2016, p. 9).
 
La spécificité des contrats d’État
Convention conclue entre un État souverain et une personne privée ressortissante ou non de son territoire, le contrat d’État ou contrat d’investissement permet le transfert de richesses, de savoir-faire et de technologie. En tant que tel, il participe à la création d’emplois, génère d’importants revenus fiscaux « bon pour l’économie et le développement de l’État d’accueil » (v. Cuendet S., Comment concilier la protection des investissements étrangers avec la promotion du développement durable ?, 2014).
 
En Afrique, les contrats d’État interviennent le plus souvent dans le financement d’infrastructures et d’équipements collectifs. Mais c’est dans l’exploitation de ressources naturelles, minières et pétrolières que ces contrats font le plus parler d’eux. Plusieurs États membres de l’espace OHADA sont ainsi, à des degrés divers impliqués dans l’industrie extractive. C’est le cas du Gabon, du Cameroun, de la Guinée Équatoriale, du Congo (RDC), du Tchad pour le pétrole ; du Gabon pour le gaz naturel, le Manganèse et l’uranium métal ; de la Guinée pour le Bauxite, l’alumine, l’or ; de la Guinée et du Congo pour le Diamant, du Mali pour l’or ; du Niger pour l‘uranium et l’or ; et de la RDC pour le diamant, le cobalt et le bois. La technologie et les investissements que requièrent de telles infrastructures nécessitent souvent une expertise internationale qui pèse lourdement sur les budgets publics encore fragiles de ces États. D’où le recours bien souvent à des contrats investissements privés étrangers.
 
La spécificité du contrat d’État réside dans la qualité de la personne publique impliquée dans la relation (Jacquet J- M., Delebecque Ph. Et Corneloup S., Droit du commerce international, Dalloz, 2e éd., 2010, n° 774, p. 557 ; Lemaire S., Les contrats internationaux de l’administration, Thèse LGDJ, Paris, éd. 2005, p.91- 100.) De sa souveraineté et de l’intérêt général dont l’État contractant est le garant, résulte un pouvoir exorbitant limitant la force obligatoire des contrats à son égard. Le rapport commercial s’estompe au profit d’une politique protectionniste qui lui permet de mettre un terme ou de modifier unilatéralement le contrat (v. notamment, Accaoui Lorfing P., La renégociation des contrats internationaux, Bruylant, 2011, p. 254). Le droit des États de nationaliser leurs ressources a ainsi été reconnu comme expression de cette souveraineté (Sentence Texaco Overseas Petrolum Compagny (TOPCO) Californsia Asitic Oil Compagny (CALASIATIC) c/ Gouvernement de la République Arabe de Libye, 19 janv. 1977, in Clunet 1977, p. 350 ; in Yearbook 1979, 177-197, I.L.M. 1978/1, p.37 s. ILR 1979, p. 389).
 
Les raisons qui peuvent entraîner l’exercice de ces prérogatives de puissance publique sont nombreuses : politique commerciale protectionniste donnant lieu à des expropriations, suspension ou arrêt d’un projet en cours, changements de régime politique ou de politiques économique, changement législatif, troubles politiques, etc. 
 
Diverses techniques contractuelles ont été élaborées pour assurer à l’investisseur une sécurité en pareille circonstances (v. Bettems D., Les contrats entre États et personnes privées étrangères, droit applicable et responsabilité internationale, éd. META, Lausanne, 1988, n° 186, p. 231).
 
Les clauses limitant les prérogatives exorbitantes de l’État
Parce que les mesures adoptées par les États souverains ont des incidences sur les engagements de l’État contractant, la pratique contractuelle a imaginé des clauses tendant à limiter ou à exclure leurs effets sur les contrats en cours. Elles envisagent la neutralisation ou l’aménagement de certains pouvoirs de l’État-contractant. Les plus fréquentes sont les clauses de stabilisation et les clauses d’intangibilité.
 
Les clauses de stabilisation visent à réguler l’aléa de souveraineté de l’État en protégeant l’investisseur étranger contre le changement de législation en cours d’exécution. Pour ce faire, elles « gèlent » la législation du pays hôte à la date de la conclusion du contrat, et peuvent faire obstacle au droit de nationalisation de l’État (v. Sentence ARAMCO du 23 août 1958, Gouvernement de l’Arabie Saoudite et Arabian Oil Compagny, (ARAMCO), comm. Bastid S., AFDI 1961, p. 230, à retrouver égal. in Rev. crit. DIP 1963, p. 272 ; Batiffol H., La sentence ARAMCO et le droit international privé, Rev. crit. DIP 1963, p. 647; Sentence AGIP spa c/ gouvernement de la République populaire du Congo, Rev. Crit. DIP 1982, p. 92, note Batiffol).
 
Viennent ensuite les clauses d’intangibilité. Comme les premières, elles mettent également « l’investisseur à l’abri des pouvoirs exorbitants que l’État hôte peut tenir de son droit national » (v. Mestre J. (dir), Les principales clauses des contrats d’affaires, Lextenso, 2011, 3 éd., n° 70, p. 65, sous « Clause d’adaptation ». Pour autant, tandis que les clauses de stabilisation affectent une compétence générale que l’État tient de sa souveraineté, les clauses d’intangibilité concernent un pouvoir qui ne se déplace qu’à l’intérieur de la sphère contractuelle (Weil P., Les clauses de stabilisation ou d’intangibilité insérées dans les contrats de développement économique, in Mélanges Rousseau, 1974, p. 308).
 
Si leur liste n’est pas limitative, leurs effets restent identiques : elles assurent les investisseurs étrangers quant à l’exécution des obligations acceptées par l’État d’accueil. Non seulement en s’engageant personnellement, l’État retire à sa norme le statut de Lex contractus, mais de plus, « l’État souverain ne saurait méconnaître les engagements pris par l’État contractant » au risque d’engager sa responsabilité (v. Bissaloué S., La renégociation contractuelle en droit français et en droit de l’OHADA, thèse AMU 2016, p. 126, n° 111). Ces clauses contractuelles dites de protections ou d’investissement sont à distinguer des clauses législatives de protections édictées unilatéralement par l’État et susceptibles d’être abrogées à tout moment (Camerron P. D., Stabilisation in investment contracts and changes of rules in the host countries : tools for oil & gas investors, Association of international petroleum negotiators (AIPN), Final Report, 5 July 2006, p. 39).
 
 
Une pratique pénalisante pour les États
Dans les faits, la pratique des clauses d’investissement est très controversée. Elle apporte des restrictions souvent excessives aux prérogatives de l’État au détriment de l’objectif d’intérêt général poursuivi par ce dernier (Tafotie R., Les clauses dites de stabilisation dans les contrats d’investissement international : Requiem pour une pratique incohérente et inefficace, Rev. Dr. Comp., 2014, n° 04 ; Faruque A., Validity and efficacity of stabilisation clauses- Legal protection vc functional value, in Journal of international arbitration, 23 (4), 2006, p.323 ; Lemaire S., Les contrats internationaux de l’administration, Paris, LGDJ 2005, p. 91).
 
Parallèlement elle renforce le pouvoir des investisseurs étrangers alors que ces derniers sont déjà largement protégés par des conventions internationales liant les États d’accueils. C’est le cas des accords sur l’investissement international qui ont pour seule vocation de protéger les investissements réalisés par les étrangers.
 
Les investissements commerciaux et individuels sont régis par l’Accord général sur le commerce des services, dit AGCS qui lie tous les pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), y compris l’ensemble des 42 pays africains membres de l’OMC). Ce dernier ne fait pas obstacle à la conclusion de Partenariats public-privé (PPP) auxquels les États et organismes privés ont d’ailleurs eu massivement recours ces dernières années.
 
En 1982, les pays africains avaient déjà signé 110 traités bilatéraux d’investissement dits TBI avec des pays hors du continent (v. Politiques d’investissement et accords bilatéraux d’investissement en Afrique : Implications pour l’intégration régionale ; (Lichère F. et Martor B., Essor des partenariats public privé en Afrique : réforme et perspectives d’avenir, RDAI 2007, p. 297 ; la CNUDCI lui consacre ainsi un livre vert en 2004 et des dispositions législatives type de la CNDCI sur les projets d’infrastructure à financement privé en 2003 ; la tendance est toutefois en net recul aujourd’hui ; la CNUCED a pu déceler, ces dernières années, un essoufflement du rythme de la conclusion des traités bilatéraux sur l’investissement au profit de la négociation d’accords de libre-échange (ALE) qui, entre autres domaines de régulation, contiennent souvent un chapitre sur l’investissement).
 
Ces accords contiennent des clauses du même ordre que les clauses d’investissement. C’est le cas des « clauses de respect » qui traduisent l’engagement de l’État souverain à respecter les obligations prises par l’État contractant. En cas de manquement contractuel, elles autorisent l’investisseur à saisir unilatéralement un tribunal arbitral à l’encontre de l’État d’accueil. Sur un plan pratique, la portée ces clauses fait débat : la question s’est posée de savoir si elles ont pour effet de transformer le manquement contractuel en violation d’un traité ; dans l’affaire AAPL c. Sri Lanka l’arbitre a admis que la compétence du CIRDI pouvait résulter d’une telle clause (Asian Agricultural Product Ltd (AAPL) c. République du Sri Lanka, sentence du 27 juin 1990, I.L.M. 1990, p.580 s. JDI 1992, p.216 s. obs. Gaillard E.).
 
Par ailleurs, la pratique d’affaire révèle que dans un contrat d’État, le rapport de force n’est pas forcément au détriment de l’investisseur. C’est bien souvent avec des multinationales que les États contractent. Or les phénomènes de concentrations rendent celles-ci plus puissantes que beaucoup d’États africains. La force économique de ces groupes et l’appui politique qu’ils reçoivent de leur État d’origine n’a généralement d’égal que la dépendance des États en voie de développement à l’égard des investissements étrangers (v. Audit B., Le système actuel est- il déséquilibré en faveur de l’investisseur privé étranger et au détriment de l’État d’accueil ? Table ronde, in Leben Ch. (dir.), Le contentieux arbitral transnational relatif à l’investissement, Anthémis 2006, p. 2006).
 
Parce qu’ils dépendent de l’investissement international, les États sont placés dans une position de vulnérabilité que ne fait qu’accentuer le risque d’abus que représenterait une clause d’investissement. En position de force économiquement et juridiquement, l'investisseur a alors tout pour soumettre l’État contractant au détriment de ses populations. Dans ce schéma, les accords sur l’investissement ne participent pas toujours à la création d’emplois ni à l’économie de l’État d’accueil.
 
 
La mission de service public reléguée au second plan
En privant l’État de son droit de modification et de résiliation unilatérale, la clause donne à l’investisseur un pouvoir de pression supplémentaire.  Dans cette perspective monofonctionnelle, la protection des investisseurs est considérée comme une fin en soi au détriment de l’objectif de développement des États. Ce qui conduit de plus en plus d’économistes à dénoncer une croissance économique africaine sans création d’emploi. (v. Rapport du quinzième Forum international sur l’Afrique, le 9 septembre à Berlin, présenté par Naudy G., Pourquoi la croissance économique africaine ne crée-t-elle pas plus d’emplois ? enquête à retrouver sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/09/16/pourquoi-la-croissance-economique-africaine-ne-cree-t-elle-pas-plus-d-emplois_4759543_3212.html#tBWFbOME1RcqTTFX.99).
 
C’est la nature même du contrat d’État qui permet de protéger l’entreprise contractante par des mesures qui n’auraient pas pu prospérer dans un contrat administratif. Le risque est cependant de placer le contrat d’investissement au service d’intérêts purement capitalistiques. C’est certainement ce qui explique que l’arbitrage international reste partagé quant à leur portée. De leur côté, la doctrine et la jurisprudence ont essayé d’apporter tant bien que mal, quelques limites à ces clauses. Il est ainsi admis qu’elles « ne peuvent à elles seules paralyser les décisions fondamentales exigées par les besoins d’une communauté nationale ou internationale » (Mayer P., La neutralisation du pouvoir normatif de l’État en matière de contrats d’États, JDI, 1986, p. 859). Pour certains auteurs, elles ne limitent pas l’exercice par l’État de ses prérogatives, mais plutôt garantissent leur non application à l’investisseur (Sentence CIRDI, 30 nov. 1979, affaire AGIP spa c/ gouvernement de la République populaire du Congo, Rev. Crit. DIP 1982, p. 92, note Batiffol).
 
Différents États soumettent également ces clauses à un régime particulier. Au Ghana par exemple, la stipulation d’une clause d’investissement doit être soumise à l’approbation préalable du parlement (Ashie Kotey et P. Adusei, The Newmont and AngloGold mining projects, in Leader S. et Ong D., Global project finance, human rights and sustainable development, éd. Sheldon Leader, David Ong, Cambridge University Press, p. 472). Une importante étude menée dans l’industrie du pétrole démontre également que certains pays comme le Nigéria, l’Arabie Saoudite et l’Indonésie s’opposent radicalement à la stipulation de toute clause de stabilisation dans leur contrat (v. Cameron P. D., Stabilisation in investment contracts and changes of rules in the host countries : Tools for oil & gas investors, op. cit., p. 17).
 
Loin de réduire le contentieux des investissements internationaux, les clauses de stabilisation sont plutôt à l’origine de celui-ci. En effet, un État qui s’engage à geler sa législation au profit d’un investisseur peut toujours méconnaître cet engagement. Au pire sera-t-il condamné à une indemnisation. Ainsi qu’on peut le voir, dans la sentence Agip c/ Gouvernement de la République populaire du Congo (CIRDI, 30 nov.  1979), la clause d’investissement a seulement permis à la société Agip, en plus de l’indemnisation normalement allouée par l’état en cas de nationalisation, d’obtenir « un franc symbolique » pour le manque à gagner résultant de la nationalisation opérée. Le bras de fer auquel ces clauses aboutissent souvent lieu aboutit généralement à la résiliation du contrat, donnant souvent chacune des parties perdantes.
 
La particularité du contrat d’État invite plutôt à privilégier des approches bilatérales dans la résolution des conflits.
 
Une préférence à donner à la coopération des parties
L’inefficacité pratique des clauses d’investissement invite à envisager la protection de l’investisseur et de l’État contractant autrement. Sur ce point, l’arbitrage international a fait beaucoup de progrès. La pratique récente d’une extrême prudence des arbitres à condamner un État dont l’action n’est pas en flagrante contradiction avec les règles de droit international (Sentence Metalclad c. Mexique, 30 août 2000, I.L.M. 2001, p.37 ; Gaillard E., La jurisprudence du CIRDI, Paris, Pédone 2004, p. 669).
 
En effet, l’arbitrage international est caractérisé par la recherche d’une efficience économique. Assis sur des principes bien forgés et inspirés de la pratique (cette quête de pragmatisme pousse les différents droits de l’arbitrage, notamment le droit de l’arbitrage OHADA à largement s’inspirer des principes généraux du commerce international. Les articles 15 de l’AUA et l’alinéa 2 et article 17 du règlement CCJA trouvent leur équivalence aux articles 13(3) du règlement d’arbitrage de 1988 et art. 11(1) du règlement d’arbitrage de 1998 de la CCI ; sur la référence à des principes généraux, v. CCJA, 10 juin 2010, n° 041/2010, Atlantique télécom SA c/ Planor Afrique SA, Recueil de jp semestriel janv. – juin 2010, n° 15, p. 99 ; v. Racine J.-B., La protection du professionnel contractant en matière internationale, Mélanges en l’honneur de J.- M. Jacquet, LexisNexis, 2013, p. 255, 271).
 
Une étude récente démontre l’importance accordée à la coopération tant dans la prévention que dans la gestion du conflit née de l’exécution des contrats d’investissement (v. Tafotie R., Les clauses dites de stabilisation dans les contrats d’investissement international, : Requiem pour une pratique incohérente et inefficace, Rev. dr. comp., 2014, n° 04, p. 456RF). Par ailleurs, sur les 111 affaires référencées par les tribunaux arbitraux en matière d’investissement entre 1972 et 2014, 68 affaires se sont soldées par une décision de justice ou une résolution à l’amiable et sont considérées comme « réglées ». Quarante-trois affaires, dont certaines remontent à 2004, sont encore en instance de décision. Dans la quasi-totalité des cas, le demandeur est une société invoquant la violation d’un traité bilatéral (v. Politiques d’investissement et accords bilatéraux d’investissement en Afrique : Implications pour l’intégration régionale, Rapp. de la Commission économique pour l’Afrique, 2016, p. 9).
 
Le recours aux clauses de renégociation est de plus en plus préféré aux autres clauses d’investissement. Leur avantage réside dans le fait qu’elles organisent plus facilement la sauvegarde ou la liquidation du rapport contractuel selon les circonstances (elles assortissent généralement l’intervention modificatrice de l’État souverain à des conditions ou des hypothèses de changement de circonstances bien spécifiques dont la particularité réside dans la source du changement). La clause de renégociation, ici inclut des évènements dépendant de la volonté de l’État (v. Bernardini P., Is the Duty to Cooperate in Long-term Contracts a Substantive Transnational Rules in International Commercial Arbitration ? in Gaillard E. (ed.), Transnational Rules in International Commercial Arbitration (Publication CCI n° 480/4, Paris, 1993), p. 137). Dans un contrat d’État, elles limitent les conséquences parfois disproportionnées du pouvoir modificateur de l’État, par le consensualisme et le pragmatisme qu’elles insufflent à la résolution du conflit.
 
En pratique, il est considéré que la cohabitation d’une clause de renégociation avec d’autres clauses protectrices de l’investisseur met en avant l’intention des parties de faire primer la renégociation. De même, la rédaction de certaines clauses d’investissement les apparente à la clause de renégociation.
 
 
L’élaboration d’un code de l’investissement
Les instruments de protection des investissements n’ont, en réalité, jamais eu vocation à fonctionner en système clos. Il est important afin d’assurer une meilleure contribution de ceux-ci au développement des États qui en bénéficient tout en garantissant les droits de l’investisseur, d’identifier un ensemble de standards internationaux acceptés comme définissant l’investissement responsable. Cela devrait également permettre d’intégrer les accords sur l’investissement dans un ensemble plus vaste d’instruments normatifs. « Cela requiert la participation aussi bien des États que des institutions internationales, des investisseurs eux-mêmes, voire de certaines ONG, dans une perspective de droit participatif qui repose sur un processus normatif à l’issu duquel chacune des parties prenantes a été associée à l’élaboration du droit applicable » (v. Cuendet S., Comment concilier la protection des investissements étrangers avec la promotion du développement durable ? op. cit.).
 
Afin d’assurer une meilleure contribution des investissements internationaux au développement des pays tout en garantissant les intérêts de l’investisseur, les États africains réfléchissent depuis peu à l’élaboration d’un Code panafricain de l’investissement.
 
Dans cette optique, certaines communautés économiques régionales africaines ont signé des réglementations régionales relatives à l’investissement. C’est notamment le cas de l’accord d’investissement de la zone d’investissement commune du Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe (COMESA), de l’Acte additionnel portant adoption des Règles communautaires sur l’investissement et leurs modalités d’application au sein de la CEDEAO et du Protocole sur la finance et l’investissement de la Communauté des États sahélo-sahariens. La Commission économique pour l’Afrique (SAD) et la SADC ont élaboré, de leur côté également, des lois types en matière d’investissement. Le Protocole sur la finance et l’investissement de la SADC (PFI) a été adopté en 2010. C’est un document exhaustif couvrant tous les domaines qui relèvent généralement des TBI, ainsi que les questions supplémentaires qui y sont annexées. En vertu de ce protocole, les investissements réalisés dans les États signataires sont protégés contre les expropriations sans indemnisation. De même, les investisseurs bénéficient de la clause de la nation la plus favorisée, mais pas de celui du traitement national. Le PFI accorde aux investisseurs le droit d’employer des collaborateurs essentiels originaires de n’importe quel pays. En matière de libre circulation des capitaux, la formulation du PFI est relativement prudente, dans la mesure où elle appelle les États parties à « encourager le libre mouvement des capitaux ». Le « TBI type » de la SADC tente de refléter une approche équilibrée entre les objectifs de développement des États membres et les intérêts des investisseurs.
 
Au sein de la CEDEAO, l’Acte additionnel A/SA.3/12/08 portant adoption des Règles communautaires sur l’investissement adopté en 2008 prévoit une protection contre les expropriations sans compensation. Les investisseurs de la CEDEAO ont l’assurance du libre transfert de leurs avoirs, ce qui comprend en substance l’ensemble des paiements liés à l’investissement. En cas de différend entre un investisseur et un État ou entre plusieurs États, les parties peuvent déposer une plainte auprès d’une juridiction nationale ou de la Cour de Justice de la CEDEAO (v. Politiques d’investissement et accords bilatéraux d’investissement en Afrique, op. cit.).
 
Cet acte additionnel se distingue de la plupart des TBI en ce qu’il comporte un chapitre spécifiquement consacré aux « obligations et devoirs des investisseurs et des investissements ». Ce chapitre comporte une clause « d’évaluation des impacts environnementaux et sociaux préalables à l’investissement ».
 
Les obligations des investisseurs prévoient également des « obligations postérieures à l’établissement », notamment en matière de protection des droits de Au sein de la CAE. De son côté, le code d’investissement type de la Communauté d’Afrique de l’Est (East African Model Investment Code) a été adopté en 2006. Ce document n’est pas juridiquement contraignant, mais constitue plutôt un guide de référence pour l’élaboration de politiques et de lois destinées à encadrer les investissements nationaux. Il a pour objectif d’améliorer le climat économique dans la région de la CAE et d’harmoniser les lois et les politiques des États membres en matière d’investissement. Ce modèle prévoit également des dispositions relatives au libre transfert des avoirs et à la protection contre les expropriations sans compensation. Le code prévoit que les investisseurs peuvent faire demander un certificat d’investissement auprès de l’organisme national d’investissement du pays concerné. Le protocole instituant le Marché commun de la Communauté de l’Afrique de l’Est est entré en vigueur en 2010. Il prévoit la libre circulation des marchandises, de la main d’œuvre, des services et des capitaux, ainsi que des dispositions relatives aux investissements, notamment des mesures de protection et d’harmonisation des réglementations fiscales.
 
Après le succès de l’OHADA, l’élaboration d’un code africain de l’investissement permettraient de contribuer à la simplification des règles et de la réglementation en matière d’investissement, en facilitant leur compréhension (v. Politiques d’investissement et accords bilatéraux d’investissement en Afrique : Implications pour l’intégration régionale, Rapp. de la Commission économique pour l’Afrique, 2016, p. 11).
Source : Actualités du droit